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Interfaces Cerveau-Ordinateur : Apprendre à s’en servir, s’en servir pour apprendre
Camille Jeunet (CLLE-LTC) UT2J - Séminaire CLLE
Les interfaces cerveau-ordinateur (ICO) sont des technologies permettant à l’utilisateur de contrôler une application par le seul biais de son activité cérébrale, mesurée la plupart du temps grâce à un ElectroEncéphaloGraphe (EEG). Malgré le fait qu’elles soient extrêmement prometteuses, notamment pour contrôler des technologies d’assistance, les ICO restent peu développées en dehors des laboratoires de recherche. Une raison majeure est leur manque de fiabilité : les études montrent que 15 à 30% des utilisateurs n’arriveraient pas à utiliser une ICO. Parmi les différents facteurs pouvant expliquer ce manque de fiabilité, nous nous intéressons à un élément peu étudié jusqu’à présent : l’apprentissage humain. En effet, utiliser une ICO requiert l’acquisition de compétences spécifiques et donc un entraînement approprié. Or, les protocoles d’entraînement standards actuels sont inappropriés et doivent être améliorés. Mes recherches visent donc à améliorer l’entraînement à l’usage des ICO afin que les utilisateurs puissent plus facilement « apprendre à s’en servir ». Pour ce faire, nous comptons utiliser les informations recueillies lors de l’utilisation de l’ICO, et notamment l’activité EEG de l’apprenant, afin d’inférer son état et d’adapter dynamiquement l’entraînement (p. ex., nature et difficulté des tâches, fréquence et information fournie par le feedback) en fonction de cet état. Il s’agit donc de détourner l’usage standard de l’ICO et de « s’en servir pour apprendre ». Autrement dit, nous souhaitons combiner une utilisation ‘active’ de l’ICO (i.e., utilisation des signaux EEG comme commandes pour une application) à une utilisation ‘passive’ de celle-ci (i.e., utilisation des signaux EEG comme indicateurs de l’état de l’apprenant). L’objectif fondamental de ces travaux de recherche est de comprendre et modéliser les processus sous-tendant l’apprentissage ICO sous ses différentes dimensions : neurophysiologique, cognitive, psychologique et sociale. Derrière cet objectif fondamental se trouve un objectif plus applicatif : démocratiser l’usage des ICO pour l’entraînement cognitif/moteur (formation professionnelle, rééducation, ...) et le contrôle d’applications (technologies d’assistance, jeux vidéo, …) afin de favoriser l’autonomie de sujets tout-venant et de patients. Pour ce faire, nous prévoyons d’abord de modéliser les processus sous tendant l’apprentissage des ICO grâce à la conception d’un modèle cognitif. A partir de ce modèle, il s’agira de déterminer quelles sont les informations qui peuvent être extraites de l’activité EEG de l’apprenant afin d’inférer son état de la manière la plus fiable possible. Dans un second axe, nous étudierons les processus d’apprentissage spécifiques chez différentes populations, notamment chez des patients ayant subi un AVC, à la fois sur le plan cognitif/neurophysiologique (quel est le lien entre lésion, fonctions cognitives/affect du patient et capacités d’apprentissage des ICO ? quel est l’impact de la plasticité synaptique post-lésionnelle sur les mesures EEG ?) et sur le plan psychologique/social (quelle est l’acceptabilité de ces technologies ? quel est l’impact de cette acceptabilité sur l’apprentissage ?). A partir de ces modèles de l’apprentissage, il sera possible, dans un troisième axe, de concevoir un système tutoriel intelligent permettant de proposer un entraînement adapté au profil de chaque apprenant et adaptable au cours de l’entraînement à l’évolution de l’état de l’apprenant.